Pour tenter de comprendre...


En période de vacances : on a du temps !


Nous sommes (déjà) en juin 2013…
Ah les vacances !  

J’imagine la représentante de l’URSSAF sur la plage bien occupée à parfaire son look bronzée pour une rentrée toute en beauté…

Mon avocat sur un transat au bord d’une piscine marocaine en caleçon assorti à ses lunettes rouges…

La présidente du tribunal avec ses petits enfants dans le parc de sa propriété ou faisant du trekking au Paraguay…

Le mandataire  qui se relâche et qui s’éclate sans cravate dans une boite de nuit tropézienne…

Bah oui, on peut rêver puisque Mme URSSAF m’a donné quatre mois de congés !

Sans solde certes, mais c’est toujours ça de pris !


(NB : je ne sais pas du tout ce que les gens évoqués plus haut ont fichu de leurs vacances et je m’en contrefous royalement !)


Moi, je n’ai pas trop les moyens ni pour le Maroc encore moins pour le Paraguay, quant à la plage, il fait un temps pourri en ce début d’été.

Allez, je me mets à la lecture !

On m’a conseillé un bon bouquin au SNE : le rapport de la cours des comptes 2012 concernant les RSI et l’URSSAF…

Vous me direz que ça tourne à l’obsession, mais c’est mon coté scientifique et logicien qui revient au galop : je veux comprendre !

Je sais que la lecture d’un rapport de la cours des comptes peut paraître rébarbative, mais, pour vous, je n’ai gardé que les paragraphes les plus marquants. Et, comme le dirait Pauline, une responsable du SNE : c’est « bienvenue au festival de cacahuètes » !

Vous trouverez plus bas l’adresse internet où vous procurer l’intégralité de ce texte. (Tout comme d’autres d’ailleurs en annexes.)

J’ai découvert au fil de cette lecture que la cour des comptes considère le régime social des indépendants et l’interlocuteur social unique comme étant une chose : « mal construite et mal mise en œuvre »… « D’un objectif de simplification inabouti »… « d’un pilotage administratif sans prise en compte des réalités »… « d’un lourd échec »

Ah, ben ça fait plaisir de voir qu’il y en a qui s’en rendent « compte » !


Ce qu’en dit la cours des comptes :

(Extraits du rapport « sécurité sociale septembre 2012)

Présentation :

Deux ordonnances du 8 décembre 2005 ont procédé à une réorganisation de grande ampleur de la protection sociale des travailleurs indépendants :

- d’une part en regroupant, à compter du 1er juillet 2006, les assurances vieillesse et invalidité-décès des commerçants et des artisans ainsi que l’assurance maladie de toutes les professions non salariées non agricoles, gérées par des réseaux distincts à base professionnelle, au sein d’un nouveau régime unifié, le régime social des indépendants (RSI) ;

- d’autre part en transférant aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), au plus tard au 1er janvier 2008, l’encaissement des cotisations des indépendants pour le compte du RSI, de manière à mettre en place un interlocuteur social unique (ISU) se substituant aux multiples intervenants précédents.

Ces deux volets d’une seule et même réforme avaient ainsi pour ambition affichée de faciliter considérablement les relations des professions indépendantes avec les organismes gérant leur protection sociale. La commission des comptes de la sécurité sociale considérait en septembre 2006 que « la création du RSI et de l'ISU constitue l'une des plus importantes réformes de structure et de simplification pour les usagers de l'histoire de la sécurité sociale ».

Pourtant, la création de l’interlocuteur social unique a provoqué dès 2008 de très lourds dysfonctionnements pour les assurés dont le caractère récurrent a provoqué la fragilisation durable d’un régime qui comptait en 2011 près de 2,7 millions de cotisants, 2 millions de retraités et 3,9 millions de bénéficiaires de prestations d’assurance maladie et pour qui les URSSAF recouvrent 8,2 Md€ de cotisations186.

Compte tenu de l’ampleur et du caractère pérenne de ces difficultés187, la Cour a cherché à analyser les causes des blocages liés à la création de l’ISU, à apprécier les raisons de l’absence de redressement rapide d’une situation profondément compromise et à mesurer les effets qui en ont résulté tant pour les assurés que sur la situation financière du régime.

Cette réforme a été mal construite et mal mise en oeuvre en raison de compromis institutionnels laborieux et d’une mésestimation complète des contraintes techniques (I). Son échec malgré des plans d’action successifs a entraîné de graves perturbations pour les assurés et, à ce stade, de lourdes conséquences financières pour les comptes sociaux insuffisamment mesurées et prises en compte (II). La persistance de difficultés considérables malgré certaines améliorations récentes nécessite de donner la priorité au rétablissement rapide et complet de la fonction de recouvrement (III).

(…)

Le décor est planté (et il n’y a pas que lui visiblement) !.. Reprenons un peu plus loin :

Cette réforme qui entendait ainsi apporter des simplifications administratives majeures à des professions traditionnellement rebutées par la complexité de leurs relations avec les organismes gérant leur protection sociale, a été en réalité le fruit de compromis institutionnels. Ces derniers ont abouti paradoxalement au maintien d’une compétence partagée en matière de recouvrement dont la mise en oeuvre s’est de plus révélée défaillante en raison d’une complète sous-estimation des difficultés techniques.

Il est à noter que dans ce processus de « simplification » les différentes caisses (ORGANIC, CANCAVA, CANAM) de même que les URSSAF, le RSI  (je sais c’est un peu compliqué, mais c’est le quotidien des indépendants dont je vous parle…) devaient se rencontrer, mettre au point un cahier des charges, accorder leurs violons et mettre à l’occasion un peu d’eau dans leurs grands crus !

Retournons au rapport de la cours des comptes :

Dans le cadre d’un vaste chantier de simplification administrative, le gouvernement avait proposé à l’automne 2002 une réforme du recouvrement des cotisations sociales des indépendants avec l’instauration d’un guichet social unique permettant au travailleur indépendant de choisir l’organisme auquel il doit verser ses cotisations sociales.

Cette perspective de libre choix portant initialement sur le seul recouvrement des cotisations a abouti finalement à la fusion de trois grandes caisses concernées et de leurs réseaux au sein du RSI et à l’instauration d’un interlocuteur social unique sans libre choix des assurés, l’ISU.

En effet, en mai 2003, les présidents de l’ORGANIC, de la CANCAVA et de la CANAM se sont exprimés dans une lettre commune contre le guichet unique de libre choix « conduisant à une mise en concurrence des régimes sociaux légaux contraire à l’esprit du service public ». Avec pour référence implicite le modèle de la mutualité sociale agricole, ils ont proposé une fusion des régimes avec « un véritable guichet unique englobant le recouvrement des cotisations et la gestion des prestations maladie et vieillesse ».

Toutefois, les caisses ne se sont pas accordées sur la répartition des compétences pour le recouvrement des cotisations, dont l’ACOSS revendiquait l’entière responsabilité.

Un rapport d’inspections générales a alors préconisé en novembre 2003 un transfert du recouvrement aux URSSAF sans libre choix des assurés, mettant en avant la maturité de leur système informatique (SNV2) qui lui aurait procuré « un avantage technologique immédiat » par rapport à celui des trois caisses.

Dans ce contexte, les pouvoirs publics ont finalement opté pour la création par ordonnances du régime social des indépendants et pour le recouvrement, d’un interlocuteur social unique sans libre choix.

J’ai bien conscience qu’à ce stade, vous devez trouver la prose relativement indigeste !
(J’encourage toutefois celles et ceux qui se sentent l’estomac de taille à aller lire le rapport en entier !)

Je vais donc résumer rapidement :

- Le gouvernement s’aperçoit que certaines cotisations ont du mal à rentrer ou, pour le moins ne lui parviennent pas aussi souvent qu’il le souhaite…

- Les artisans, TPE et autres indépendants sont noyés dans la paperasse et le font savoir…

- Un groupe d’énarques ou de quelconques commissions suggèrent de « simplifier » les choses. Voilà pour la théorie…

- Une guerre des chefs a lieu entre les différentes caisses pour savoir qui sera le modèle exemplaire retenu… Et par là même certainement justifier un peu mieux de sa précédente existence.

On pourrait croire qu’après tout, cela va dans le bon sens… Mais !!!

Comme d’habitude avec l’administration et ceux qui en dessinent les contours, le bug va arriver au niveau pratique :

Leurs logiciels (et là on parle aussi d’informatique) sont incompatibles et leurs bases de données truffées d’erreurs.

Allez, un petit tour de retour sur le rapport :

L’existence de comptes incomplets d’assurés (appelés « singletons »), vice caché de l’ancien système de recouvrement, a été révélée à l’occasion de la fusion des fichiers de cotisants.

Bien que cette situation ait été identifiée et même quantifiée à l’été 2007, elle n’a pas été traitée avant la fusion des fichiers.

Concernant environ 100 000 cotisants, elle a très sérieusement perturbé l’activité de recouvrement et le fonctionnement du RSI jusqu’au début de l’année 2012.

Là, en clair, cela veut dire qu’ils n’étaient plus capables de récupérer pleinement ce qu’ils réclamaient…

Même si en tant que citoyen ou entrepreneur, payer des charges ou des impôts ne nous réjouit pas forcément, cela fait partie du jeu et là, le jeu était faussé. A cause de querelles intestines portant sur le fait de savoir qui conserverait son logiciel et ses petites habitudes…

Au lieu de chercher à résoudre ces difficultés techniques, le RSI et l’ACOSS se sont opposés pendant deux ans, dans des logiques institutionnelles, sur le choix du système informatique sur lequel allait s’appuyer l’ISU,

l’ACOSS cherchant à faire prévaloir son logiciel SNV2, le RSI son logiciel SCR.

Quand on se penche sur le trou de la « sécu », il faut se souvenir de qui l’a creusé (et accessoirement pour quelles raisons) !

L’impossible dialogue entre les deux organismes a conduit les pouvoirs publics à mettre en place en juin 2006 un groupe de travail, présidé par un inspecteur général des affaires sociales, dont l’objectif était d’arrêter rapidement le choix du système d’information et de coordonner les travaux entre les deux réseaux. Les premières réunions ont révélé l’absence quasi-totale d’échanges préalables entre les organismes sur leurs contraintes respectives et sur des points fondamentaux, comme les « flux retour » d’informations vers le RSI.

Quand je disais que le dialogue n’était pas leur point fort !

Ni la technique !...

Par une lettre de novembre 2006, les ministres ont donné leur accord au choix du système SNV2 de l’ACOSS proposé par le groupe de travail et ont laissé au RSI la gestion du fichier des assurés, le traitement de l’acquisition des données de revenus par la déclaration commune de revenus et la gestion des droits aux prestations (déléguée aux organismes conventionnés pour les prestations maladie). Un tel partage allait exiger de parvenir en moins d’un an à la bonne articulation non pas de deux, mais de trois logiciels : SNV2 de l’ACOSS, TAIGA et SCR du RSI.

Je suis dans l’informatique depuis près de trente ans… Une telle conception ressemble assez fortement à construire le viaduc de Millau avec des Lego ! (Et encore, les Lego, bien gérés : ça tient !)

Je passe sur d’autres péripéties et querelles d’ego pour en venir à la conclusion de la cour des comptes sur ce chapitre :

En dépit de l’ensemble de ces difficultés, la décision de retirer aux organismes conventionnés toute compétence en matière de recouvrement a été confirmée fin 2007 et leurs fichiers ont été transférés. Le 28 novembre 2007, les fichiers des URSSAF ont été écrasés par les fichiers du RSI sans expérimentation préalable, ni phase de test, ni retour en arrière possible.

Faites ça dans le privé : vous êtes viré !!!

Les quelques pages qui suivent reprennent l’intégralité du chapitre 2 du rapport de la cour des comptes.

Je sais c’est un peu long, mais édifiant et passionnant : Allez, bonne lecture et pincez vous de temps à autres : vous ne rêvez pas !

II - Un lourd échec

L’impréparation de la réforme a immédiatement provoqué un blocage total lors de sa mise en oeuvre effective. Les dysfonctionnements majeurs qui se sont alors fait jour ne sont toujours pas tous réglés, plus de quatre ans après.

A – Un choc de très grande ampleur aux conséquences durables pour les assurés

1 – En 2008, une « catastrophe industrielle » pesant sur toutes les fonctions du RSI, avec des conséquences sur le régime général

Les premiers appels de cotisations relevant de l’interlocuteur social unique ont été émis le 17 décembre 2007. Le blocage du logiciel SNV2 a été constaté dès les premiers jours du mois de janvier 2008 et a duré presque trois semaines durant lesquelles il n’y avait plus aucune possibilité de gérer les comptes. Les émissions de cotisations ont été frappées de très nombreuses erreurs et une partie des encaissements n’a pas pu être prise en compte. La mise à jour des dossiers des cotisants était bloquée. Les affiliations, radiations et modifications des fichiers de cotisants n‘étaient plus prises en compte.

Le taux de retour des déclarations de revenu des travailleurs indépendants a chuté de 4 points en une année (de 94 % en 2007 à 90 % en 2008).

En outre, même quand les déclarations étaient collectées par le RSI, les dysfonctionnements des flux informatiques empêchaient un certain nombre d’entre elles d’être prises en compte par le SNV2 de l’ACOSS pour l’émission des créances.

En conséquence, nombre de cotisants se sont trouvés soumis au régime de la taxation d’office qui majore dès la deuxième année les cotisations dues de façon considérable.

Les « flux retour » des URSSAF vers le RSI ne fonctionnant pas, la liquidation des retraites comprenant des périodes de cotisation postérieures au 31 décembre 2007 a dû être traitée manuellement et les stocks de dossiers se sont accumulés. La fonction comptable du RSI a été profondément perturbée par l’absence de « flux retour » d’informations comptables sur les encaissements effectués par l’ACOSS.

Le blocage de l’ISU a été répercuté sur l’ensemble de l’activité de recouvrement du régime général qui est sans commune mesure avec le montant des cotisations recouvrées par l’ISU.

De ce fait, le régime général a dû gérer des stocks et assumer une surcharge importante de travail, le conduisant à devoir fonctionner un temps en mode dégradé et à renoncer à certaines campagnes téléphoniques ou à l’application de remises de majorations de retard et ce d’autant que la confiance des agents dans la fiabilité de l’application centrale de la branche recouvrement était entamée.

2 De graves perturbations pour les assurés

L’échec de l’ISU a causé un préjudice direct, bien que d’ampleur variable, à de très nombreux indépendants et à leurs ayants droits, alors même que sa création devait se traduire par des relations plus simples et plus fluides.

Ainsi, un assuré a pu ne pas être à jour de ses cotisations parce qu’elles n’avaient pas été appelées ou qu’elles avaient été appelées à un montant erroné (ce qui aurait concerné 10 % des comptes en 2008), parce que le RSI n’avait pas reçu l’information du paiement via les « flux retour » en provenance des URSSAF, voire à cause d’un simple déménagement qui n’avait pu être pris en compte. Dans ce cas, il ne pouvait liquider qu’une retraite incomplète, sans les trimestres manquants. Il bénéficiait des prestations en nature de l’assurance maladie mais pas des indemnités journalières.

Les affiliations, modifications ou radiations ont été durablement bloquées. Ainsi, 20 000 dossiers d’immatriculation du début de l’année 2008 n’ont pu être pris en compte que plus de deux ans après, à l’automne 2010.

Des solutions palliatives ont été mises en place mais dans certains cas, des assurés n’ont pas pu bénéficier de remboursement de leurs soins faute de carte Vitale, parfois sur des périodes très longues.

Un assuré qui avait demandé sa radiation mais n’avait pu l’obtenir a pu se voir réclamer de façon indue des cotisations extrêmement élevées en raison du mécanisme des taxations d’office. Au moins 10 % des comptes ont connu des difficultés liées à l’affiliation ou à la radiation.

Même la régularisation des dossiers, quand elle s’est produite, a pu se traduire par l’appel de cotisations rétroactives à des montants élevés auxquels les assurés ne pouvaient pas toujours faire face.

Ces difficultés se sont traduites par des difficultés majeures en matière de tenue des droits à retraite et dans la liquidation des pensions.

Compte tenu de l’absence de « flux retour » informatisés, il était estimé mi-2011 que les droits à la retraite n’étaient pas à jour pour 25 à 40 % des comptes. Alors qu’en 2007, 90 à 95 % des retraites de droits propres étaient liquidées dans les 60 jours, ce taux est tombé à 70 % en 2010. Le délai entre la date d’effet et la date de paiement est passé de 43 jours à près de 80 jours et pouvait atteindre, pour les droits dérivés, 138 à 150 jours à fin 2010.

Loin d’être isolés les uns des autres, les différents problèmes se sont combinés et aggravés mutuellement, avec pour conséquence des situations parfois inextricables pour les assurés comme pour les gestionnaires.

Les assurés se sont tournés massivement vers le personnel d’accueil du RSI qui n’avait souvent aucune réponse à leur apporter.

L’amélioration de l’accueil physique et téléphonique a donc constitué un enjeu prioritaire dans le traitement des difficultés de l’ISU, justifiant des recrutements de personnes en contrat à durée déterminée et le recours à des contrats de sous-traitance.

Une plateforme de médiation téléphonique a ouvert en juillet 2010. Les résultats ont toutefois été lents et erratiques.

Le nombre de saisines du Médiateur de la République a augmenté de façon considérable et celui-ci a consacré au printemps 2010 un numéro entier de sa revue aux« dysfonctionnements du RSI », relevant que le « bug » de l’ISU avait parfois plongé les assurés dans des situations catastrophiques.

Sollicités par des travailleurs indépendants en difficulté, des parlementaires ont posé au gouvernement un grand nombre de questions écrites et orales sur l’ISU.

Malgré ces saisines réitérées, les pouvoirs publics ont tardé à apporter des réponses à la hauteur de l’ampleur des difficultés subies par les assurés.


Je vous en remets à la lecture de l’intégralité de ce rapport plus qu’édifiant.

http://www.ccomptes.fr/content/download/48302/1346435/version/1/file/rapport_securite_sociale_2012_regime_social_independants_interlocuteur_social_unique.pdf.

Pour en conclure sur ce rapport de la cour des comptes, il n’excuse en rien ce qui m’est arrivé ni n’en explique la totalité.