Les premières pluies.

Les premières pluies…


Nous sommes en février 2012.

Je reçois un coup de fil d’un représentant d’un mandataire de justice qui me demande de lui communiquer certaines pièces comptables suite à une décision de justice m’ayant placé en redressement judiciaire le 27 janvier 2012.

Décision prise par le TGI (Tribunal de Grande Instance)…

Je reste abasourdi par ses propos et s’enchaîne une conversation surréaliste :

-« Oh, vous savez, ce n’est pas la Gestapo, mais il me faut des renseignements et des éléments…

Ah, vous aurez aussi rendez vous avec un commissaire priseur qui va faire l’inventaire de vos biens. Je lui ai communiqué votre numéro de téléphone, vous pourrez convenir ensemble de la date et de l’heure.

Pour votre compte en banque, il est évident que vous ne pouvez plus retirer quoi que ce soit…

Votre banquier vous ouvrira un compte « RJ » et nous verrons ensemble ce qu’il est possible de régler auprès de vos fournisseurs… » (NB : je n’ai aucune dette envers mes fournisseurs)

Je lui fais part de mon étonnement puisque je n’ai jamais été convoqué à une quelconque audience en janvier 2012 et qui plus est devant le tribunal de grande instance.

Ce à quoi il rétorque : « je ne sais pas monsieur, il faut voir ça avec votre avocat ! ».

(Tiens, il sait que j’en ai un !???)

 

Après les premières pluies, les premières flaques et la boue…

Suite à ce coup de fil, je bondis sur mon téléphone et arrache un rendez vous avec mon avocat.

Le lendemain, nous nous voyons et je lui rapporte la conversation téléphonique. Il semble étonné puis me dit : « Bah, ce n’est rien, nous allons faire appel !  Je vais demander des précisions au tribunal, et je vois tout cela : je te tiens au courant. » Il me tend au passage un dossier d’aide juridictionnelle que je dois remplir.

Rentré à la maison, j’ai un peu de mal à résumer tout cela à ma femme. Après tout, je ne sais pas grand chose ; ni ce que cette situation implique ni où cela nous mène. En tout cas, je me sens responsable de ce qui arrive : c’est ma faute !

C’est la faute à ce putain de statut qui me piège et à la fois piège ma famille. Je suis inscrit depuis 1995 en nom personnel : cela signifie que, demain, on peut tout piquer y compris notre maison.

C’est la faute à toutes ces années passées la tête dans le guidon à chercher des solutions pour mes clients, à bosser pour aboutir à ce que cela fonctionne chez eux, sans jamais penser à me garantir, à  NOUS garantir.

Aujourd’hui, les murs tremblent et moi aussi… Mais c’est trop tard, c’est avant qu’il aurait fallu y penser !

Je suis AU TRIBUNAL !

Mais au fait… Pourquoi !??

Là, d’un coup, je ne vais pas mieux dormir, mais un doute est là : il faut que je me rende compte de ce qui ce passe réellement : tout cela est incohérent !

Mon avocat me fait part d’une prochaine audience lors de laquelle, il me dit que nous allons pouvoir nous expliquer. Je lui précise qu’en matière d’explications, c’est plutôt moi qui suis demandeur !

Convoqué un vendredi à 11h, je suis ponctuel. Je monte les marches du palais de justice et me fait accueillir par un policier qui me demande de passer sous un portique.

Succession de bips ; je dois vider mes poches et tout déposer dans un bac de plastique… Bip encore… Il me passe au détecteur… Cela sonne encore… Palpation… Ah, me dit il, vous avez un ceinturon avec une boucle en métal !
(avec quoi pense t-il que mon froc tienne !??)  Je récupère le contenu de mes poches.

Sur le palier, je vois mon avocat smart phone à l’oreille… On avance dans les couloirs.

C’est étrange comme la justice présente un parallèle entre son architecture et son fonctionnement.

Vu de l’extérieur, le palais de justice est un vaste bâtiment, imposant et trônant dans la ville… A l’entrée, hormis la concession sécuritaire du portique, on a droit aux marbres et aux larges envolées d’escaliers… Plus loin, les couloirs se font étroits au style rénové façon préfabriqué avec des panneaux réglementaires de sécurité indiquant « vous êtes ici » (comme si on ne le savait pas) ! Plus loin encore, c’est le dix-neuvième siècle avec des lambris crevés par des passages de câbles mal pensés et rafistolés à grand coup de plâtre.

Mon avocat, qui a raccroché son smart phone batifole de robes noires en robes noires. Poignées de mains, sourires, échanges d’amabilités, bisous…

C’est presque sympathique tout ça !

Cela fait maintenant trois quart d’heure que nous sommes là à attendre. Il me dit à propos de la présidente du tribunal : « tu verras, c’est Marilyn ! » (Il parlait de Norma Jeane).

La greffière passe… Une belle blonde, mais ce n’est pas elle « Norma Jeane ».

J’en profite pour lui faire remarquer l’absence de convocation à la première audience, la décision qui fut donc arbitraire car en l’absence de débat contradictoire etc... etc…

Elle se retourne vers mon avocat et lui déclare : « Je ne sais pas, et, de toute façon, cette affaire n’est qu’un tas de boue depuis le début ! ».

Je reste perplexe devant cette affirmation. Après tout aurait-elle raison et tout cela ne serait-il qu’un malentendu !?? Et, au fait, c’est quoi le tas de boue au juste ?

Un petit personnage en robe noire traverse alors le couloir encombré. Suivie de près par la greffière, c’est elle la présidente. Je découvre au passage que mon avocat a un certain sens de l’humour…

Elle va de porte en porte nerveusement toujours suivie de sa greffière chargée de dossiers pour finalement trépigner en disant : « Bien, nous n’avons pas de salle d’audience de libre ! ».

Nous finirons dans une petite salle de réunion sans fenêtre à l’éclairage défaillant où les uns et les autres s’entassent dans la limite des places debout disponibles, les autres restants dans le couloir portes ouvertes.

Trois quart d’heure plus tard, mon affaire est appelée, mon avocat évoque le fait que l’URSSAF n’a pas communiqué ni justifié ses chiffres… L’audience est reportée !